Il a consulté une thérapeute qu’il estime incompétente, mais qu’importe. Guillaume Pineault s’en concocte, une sorte de thérapie maison, dans son deuxième spectacle, Vulnérable.
L’humoriste fait de son relativement récent célibat – la comédienne Anne-Élisabeth Bossé et lui avaient annoncé leur rupture en septembre 2022, et on ne lui a pas connu d’autre copine sérieuse depuis, du moins en public – l’épicentre de ce nouvel effort. Lequel gagnerait à être encore plus épuré de cocasseries pour, ironiquement, s’étoffer en… vulnérabilité. La base est là, Pineault est un conteur captivant, il manie l’image, son énergie joyeuse fait mouche à tout coup et le contenu est très bon et bien personnel.
Mais – et c’est dommage –, c’est seulement au dernier droit qu’émergent les plus douces pépites de cette fragilité désormais assumée. Surtout lorsque Guillaume raconte cette fois où il a surmonté la barrière de gêne au domicile familial pour aller déclarer son amour aux siens, et la réaction impayable de ses parents. Une belle portion sensible, comique et touchante, un bijou de bout de texte alliant tendresse et drôlerie.
La solitude d’un adulescent
Deux ans, presque jour pour jour, après le lancement de son premier one man show (le 8 mars 2022), Détour, au Gesù, Guillaume Pineault consolidait son prestige, mardi (19 mars), en rassemblant collègues et amis dans plus vaste salon, à l’Olympia, pour le dévoilement montréalais de Vulnérable. Le baptême médiatique a toutefois été dérangé, pour les gens assis à l’arrière, par un petit incident survenu dans le hall du théâtre, environ une trentaine de minutes après le début de la représentation. L’épisode, bruyant, était apparemment dû à l’indiscipline de spectateurs ayant dû être escortés à l’extérieur de la salle. Heureusement, la distraction ne s’est pas éternisée.
Revenons au programme principal. C’est d’abord Jey Fournier qui détend l’assistance en première partie. La recrue laisse présager de bien belles choses en ce début de parcours, n’hésitant pas à badiner autour de son salaire annuel d’environ 12 000 $. Avec beaucoup de présence et d’aplomb, porte-étendard d’un style frère de celui de Pineault, Fournier rend hommage à son attachante maman Manon et aux messages que celle-ci envoyait à ses professeurs lorsqu’il était enfant.
Puis, le Vulnérable Guillaume Pineault s’amène, justifiant son titre en toute prudence. Comme s’il n’avait pas osé déclencher véritablement les vannes de son émotivité. Il prend quand même le temps de spécifier que la matière qui suivra a été consignée dans une période charnière de sa vie, et qu’elle n’inclura aucune blague de couple, lesquelles vieillissent moyennement bien après une séparation lorsqu’il reste encore plusieurs mois de tournée… Lorsque le garçon soulève le fait que Ricardo « s’en câlisse », des personnes seules, que diviser une recette, ce n’est pas toujours simple (« C’est quoi le quart de deux tiers de tasse? »), on se rappelle comment le petit quotidien claque parfois nos démons en plein visage. Pineault l’illustre adroitement.
Guillaume Pineault a des dehors et une diction d’adulescent bien de son temps. Ne s’éloignant jamais vraiment de l’inséparable tabouret de tout bon exécutant de stand up, l’artiste, derrière des anecdotes légères, des souvenirs de jeune quadragénaire éternel gamin qui ignore à quoi sert le Comet (oui, le nettoyant), parle essentiellement de solitude. Les imprévus en planche à neige, le passé de sauveteur ou d’ergothérapeute, le cannabis, la photo de « graine », la non-parentalité, le vestiaire de hockey, Pauline sa chienne golden : à peu près tout, dans Vulnérable, mène à la solitude. Celle que notre hôte semble craindre, chercher à détourner, mais qui le porte visiblement à réfléchir. Il a tenté de faire des activités seul, a loué un condo seul, acheté un matelas seul, a eu envie de d’invectiver une psychologue qui l’avait imité…
Plus loin, il admet son anxiété. Avoue une souffrance en communication, que, non, la proximité d’un frère sourd n’explique pas à elle seule. Segment nourrissant, qu’on aurait aimé entendre 30 minutes plus tôt. Atténué par un gag de sape à table, mais qui conduit à ce bel aveu détaillé plus haut, ces « je t’aime » accueillis avec embarras et timidité.
Un gars, ça pleure aussi, disions-nous. En fait, ici, on a surtout l’impression que le prolifique Pineault (il collabore à Véronique et les Fantastiques, à Rouge, et nous avait déjà ouvert son cœur en racontant les amours de sa vie dans le récit Elle r’viendra pas, Camille, aux Éditions Cardinal) se questionne, cogite, trace le bilan du tournant de vie qu’il emprunte présentement. Peut-être pas en totale vulnérabilité, mais en toute franchise, certainement.
Guillaume Pineault présentera Vulnérable en tournée dans la prochaine année. Pour connaître toutes les dates, on consulte son site web.
Lisez ou relisez nos critiques des récents spectacles de Laurent Paquin, Mike Beaudoin et Matthieu Pepper. Mario Jean effectuait aussi sa rentrée montréalaise, il y a quelques jours.
Crédit photo principale Guillaume Pineault : Émilie Lapointe / Courtoisie Groupe Phaneuf