« Avant de vouloir contrôler l’utérus des femmes, l’église devrait peut-être contrôler la bizoune de ses prêtres! »

Laurent Paquin avait à peine dit bonjour à l’Olympia rempli pour la première montréalaise de son cinquième spectacle, Crocodile distrait, mardi, qu’il nous catapultait cette inéluctable vérité chrétienne. « Ouais, moi, les débuts de show, c’est pas ma force… », s’est-il empressé de nuancer, avant d’en remettre une pointe en forme de jeu de mots au sujet des prêtres « sus-mentionnés ».

On n’imagine pas Laurent Paquin faire du mal au moindre maringouin, si harcelant soit-il. Or, sous la bonhommie de son personnage de scène, l’homme de 52 ans maintient principes et opinions. Et il nous les triture à deux pouces du nez dans ce nouvel effort, certainement le plus mature et assumé de son catalogue. Comme si Paquin ne cherchait pas (plus) à se faire aimer à tout prix. Bon, c’est raté, son aura bon enfant lui collera sans doute à la peau jusqu’à la fin de sa carrière et au-delà, mais en tablant sur ses exaspérations, Laurent Paquin n’est plus que seulement gentil, flirtant même avec la vulgarité au détour. Non, il n’est pas que le con du Dîner de cons.

Ne vous fiez pas à la naïveté de son titre rappelant davantage un conte pour enfants – il vient d’ailleurs d’en publier un sous la même appellation, en vente maintenant! – qu’un one man show décapant : dans son style rassembleur généreusement nourri de son talent pour l’improvisation, dans sa fine analyse habituelle du petit quotidien du Québécois moyen, qu’il sait inévitablement rendre drôle ou à tout le moins cocasse, sans devenir Jean-François Mercier, Laurent Paquin critique et démontre qu’il a lui aussi de la graine de gueulard dans le nez. Jamais méchamment, mais assez pour surprendre un brin.

Ode aux « épais »

Premier clou qu’il enfonce : les « épais ». Ce n’est pas la première fois que Laurent Paquin pourfend cette tranche de la société, forte en verbes mal accordés sur les réseaux sociaux. Visiblement, ses congénères fâchés l’inspirent. Ses conclusions sont délicieuses. S’obstiner avec un « épais » sur Internet, c’est comme jouer au Scrabble avec son chat, déclame-t-il; faut entendre son analogie à cet égard, elle est parfaite. Et que dire de ses leçons de grammaire. Les « épais » ne sont hélas pas considérés comme une minorité, ils n’ont pas de journée de commémoration en leur honneur, mais Laurent aimerait quand même applaudir une journée de la « fierté épaisse ».

Et défilent les agacements de Laurent, comme d’autres « Bucket List » (énumération de choses à réaliser avant sa mort) que notre hôte adore justement railler. Sauter en parachute avec « un Guillaume Lemay-Thivierge des pauvres dans le dos », très peu pour lui. Il a beaucoup répété que Crocodile distrait tendait vers la quête du bonheur, mais on questionne surtout celui-ci, ici, à travers le prisme des absurdités qui l’entravent.

Laurent Paquin se fait très critique dans son nouveau spectacle, Crocodile Distrait. Crédit photo : Courtoisie KoScène

Laurent Paquin se fait très critique dans son nouveau spectacle, Crocodile Distrait. Crédit photo : Courtoisie KoScène

Comme la nature. Qui est heureux en nature? L’orignal qui bouffe des branches ou l’écureuil qui se décarcasse pour éviter le danger?

La peur, qui rebelote sans cesse de la naissance à la vieillesse. Les livres de croissance personnelle aux titres pompeux, ces « Karma à la plage » et autres « Karma Sutra ». Les phrases toutes faites, variant de « Vis chaque jour comme si c’était le dernier » à « Y’a rien qui arrive pour rien ». Et Anne Casabonne, alors? Laurent Paquin réalisera peut-être un jour son rêve de parafer un livre de « pensées négatives »…

Démonstration ultime de confiance en soi (doit-on se préparer à un festival d’insultes sur X, alias feu Twitter?) : le gaillard nous avertit qu’il continuera de dire « bon matin ». Et il va même jusqu’à décocher une vanne à la regrettée Denise Bombardier. Et même deux.

Le temps. Le sens de l’humour. Même la candeur de l’enfance. Laurent raconte qu’il essaie dur d’être positif, et on sent bien qu’il l’est peut-être fondamentalement sous cette nouvelle façade grognonne. Après tout, on ne se moque pas si efficacement de ce qu’on déteste souverainement. Mais l’artiste a le mérite, avec Crocodile distrait, d’ouvrir sur un revers moins lisse, moins connu de sa personnalité. De se réinventer. Autre terme galvaudé. Laurent saura bien, gentiment, nous le ridiculiser.

Pascal Cameron comme un coup de poing

Mi-fendant (sans être Martin Matte), mi-enragé (sans être François Bellefeuille), quelque part à mi-chemin entre ses deux aînés, détaché de toute bien-pensance, Pascal Cameron s’est imposé comme un coup de poing en première partie de Crocodile distrait, et on a hâte, très hâte, de voir et d’entendre la suite.

Son premier message? Complimentez les gens aux prises avec la calvitie, ils en ont besoin.

Encore? Soyons positifs; si le Nord-du-Québec a brûlé l’an dernier, il ne rebrûlera pas cette année.

Envie de plus? On ne dit pas « tornade », on dit « tournade », parce que « ça tourne, on dit tournade ». Ce n’est pas l’anxiété le problème de santé mentale, c’est l’absence d’anxiété. Gare au pâtissier qui insistera à lui faire avaler qu’un financier s’appelle un financier. Et notre Don Juan, dans les clubs, « ramasse les filles comme on cueille des pommes à l’automne » : « Je ramasse toutes celles qui traînent à terre… » Si vous suivez toujours, sachez que Pascal Cameron incarne le charisme en coton ouaté, à lampées de sacres savamment distribuées.

Laurent Paquin est présentement en tournée avec son spectacle Crocodile distrait. Des supplémentaires sont prévues à la Salle Albert-Rousseau, à Québec, les 8 et 9 mars 2024, et à l’Olympia de Montréal, le 15 juin. Toutes les dates sont sur son site web. Son livre pour enfants Le crocodile distrait, publié chez KO Éditions, est présentement en vente.

Marie-Josée R.Roy

Marie-Josée R.Roy

Fondatrice / Rédactrice en chef / Journaliste

Fondatrice, rédactrice en chef et journaliste de Sous les projecteurs, je dévore de la culture québécoise depuis l’enfance et n’ai qu’un objectif, la faire rayonner à travers mes articles, et ce, depuis près de 15 ans. Anciennement journaliste chez Allô Vedettes, HuffPost Québec et l’Agence QMI.

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