Un titre comme En attendant la fête au village ne suggère pas forcément une réflexion sur la masculinité « rose » et encore moins, ultimement, sur la mort d’un papa bien-aimé. Mais, de belles surprises, comme ce touchant clin d’œil à un important souvenir familial, Matthieu Pepper en a plus d’une dans son sac.
Une file d’attente descendant presque jusqu’au boulevard René-Lévesque longeait l’Olympia, rue Sainte-Catherine, encore sur le coup de 20 h, mardi, démonstration manifeste des espoirs élevés envers la nouvelle sensation de l’humour. Pepper a néanmoins pris la balle au bond dès le départ, en conseillant au public de sa première montréalaise de, justement, baisser ses attentes. « Sinon, on est déçus », a-t-il tempéré, avant de décréter, au sujet de son contenu : « Si tu relates, tant mieux. Si ça te fait cheminer, c’est un hasard ». Passons sur l’anglicisme « relate », peut-être moins familier aux générations plus âgées que les 33 ans de notre jubilaire, mais que l’humoriste se rassure : nos expectatives devant son premier one man show sont tout à fait réjouies.
Il n’y a effectivement pas nécessairement œuvre à se nourrir la croissance personnelle avec En attendant la fête au village, mais Matthieu Pepper se distingue assurément de ses semblables. D’un début léger et anecdotique, beaucoup concentré sur les aléas de la jeunesse – intéressant et drôle, mais convenu –, notre gaillard avance dans son texte, de plus en plus nourri, et culmine dans un point de chute tout à fait brillant, où s’entrecroisent doucement cocasserie et sensibilité. Où s’expriment tous les talents d’auteur et de comique-né de Matthieu Pepper.
Sextos et pipi au lit
Ce dernier possède l’énergie et le style de ces jeunes hommes qu’on confine souvent aux seconds rôles. Dans un film ou une série, Pepper personnifierait peut-être le meilleur ami sympathique, le bouffon de la bande, le faire-valoir sans malice. La personnalité maladroite de son personnage de Thomas, dans la comédie Entre deux draps, qu’il a lui-même créée, semble taillée sur mesure pour l’aura qu’il dégage.
Mais le « gars ordinaire », le « gars d’à côté » en a souvent bien davantage à raconter que le footballeur-vedette, roi du bal des finissants. Et c’est précisément ce que dépeint Pepper dans En attendant la fête au village. Nouveau porteur du titre de Découverte de l’année depuis le plus récent gala des Olivier, l’artiste affirme rapidement son unicité. Relation difficile avec sa chienne, obligation de redoubler sa maternelle en raison de sa motricité déficiente (il n’était pas un as du bricolage), pipi au lit à l’âge de la première relation sexuelle, crainte de l’épicerie à l’âge adulte : son bagage tout personnel sert à Matthieu Pepper de carte de visite, et de fondement à un excellent stand up. On apprend ainsi à les connaître, son univers fort imagé et lui. Et ce, même s’il y a beaucoup de « pisse » dans son propos.
Le trentenaire se fait ainsi mi-conteur, mi-observateur. Ses critiques sur les fautes d’orthographe dans les « sextos » essoufflent non seulement son parterre de rire, mais s’avèrent particulièrement affûtées. « Il n’y a rien de plus laid que de débander à cause d’un « si j’aurais » (…) Prends le temps d’aller sur Antidote! »
Il maîtrise la scène comme un aguerri, nombreuses années d’entraînement en festivals aidant. Mais c’est lorsqu’il parvient à parler de son père, environ aux trois quarts de sa prestation, que Pepper révèle tout le doigté dont il est capable. Un segment qui pourrait être dur, mais qui s’affiche surtout rempli d’amour et, finalement, sincèrement hilarant. On y apprend à connaître en filigrane ce Monsieur Pepper ému devant les lilas en fleurs, qui « battait pas sa femme », impliqué au lavage comme à la cuisine. Qui a quand même consenti à emmener son fils voir les Monster Truck, pour ensuite achever la sortie au Jardin botanique. Les derniers moments et le trépas du regretté sont soulevés avec aplomb et tendresse, sans exagération inutile pour forcer l’émotion. Tout est naturel et, oui, on rit.
Et c’est au son de la voix de Gerry Boulet, aux paroles d’Une dernière fois, dans la sobriété de son décor de rideaux blancs horizontalement dégradés, que Matthieu Pepper a accueilli, mardi, la chaleureuse ovation couronnant sa première médiatique, qu’on prédit déjà auréolée de beaux commentaires.
Insondable P-O Forget
Quant au passage de P-O Forget en première partie, il nous a laissé perplexe.
Ses premières lignes, sur les préjugés envers les citoyens de Montréal et de Québec, alias « les gais » et les « rednecks », ne constituaient pas le summum de la finesse humoristique. Même scepticisme devant ses gags sur le racisme des Français, eux-mêmes douteux – imaginez le deuxième degré dans le deuxième degré.
Mais certaines de ses boutades, comme son parallèle tracé entre la pénurie de médecins de famille et celle des employés de Tim Hortons, ou ses salutations à Justin Trudeau, notre « premier, premier ministre noir », aussi « Indien trans », étaient davantage prometteuses. Autrement dit, faudra sonder où en sera rendu P-O Forget dans un an, pour un portrait plus juste des capacités de celui qui donne à tour de bras dans le sacre et le punch un peu vulgaire.
Matthieu Pepper présente En attendant la fête au village en tournée au Québec. Toutes les dates sont disponibles sur son site web.
Marie-Josée R.Roy
Fondatrice / Rédactrice en chef / Journaliste
Fondatrice, rédactrice en chef et journaliste de Sous les projecteurs, je dévore de la culture québécoise depuis l’enfance et n’ai qu’un objectif, la faire rayonner à travers mes articles, et ce, depuis près de 15 ans. Anciennement journaliste chez Allô Vedettes, HuffPost Québec et l’Agence QMI.