Sur papier, la description de Bellefleur paraît un peu pompeuse, voire moralisatrice. Dès l’annonce du tournage, l’an dernier, Bell Média décrivait cette nouvelle fiction de sa plateforme Crave comme une comédie « humaine et bienveillante sur la masculinité positive ». Il était aussi question d’« amitié saine ». De quoi anticiper des dialogues peu subtils, farcis de « messages » au crayon gras.
Or, les quatre premiers épisodes, regardés en visionnement de presse mardi matin, replacent cette perception : les 10 épisodes de 22 minutes de Bellefleur n’ont rien de pédagogique ni « gazant ». On est plutôt dans une série-doudou très enveloppante, sympathique et attachante, à l’image de l’ensemble de l’œuvre de Sarah-Maude Beauchesne, toujours très chaleureuse, positive et féministe.
L’autrice de la websérie Fourchette, du roman pour ados Cœur de slush et du joli récit Faire la romance, récemment sorti en librairie, signe le projet avec son amoureux Nicola Morel (ex-chanteur et guitariste du défunt groupe 3 gars su’l sofa, aussi concepteur et auteur en télé au sein de la boîte Trio Orange, qui produit Bellefleur). La très sollicitée Suzie Bouchard (M’entends-tu, Le temps des framboises, L’œil du cyclone) en a gribouillé quelques lignes, tandis que la réalisatrice Jeanne Leblanc (Les nôtres, Les yeux fermés) ne tarissait pas d’éloges, mardi, sur son sujet, ses comédiens et son résultat fini.
La bande d’amis de Bellefleur dans une scène de la série. Crédit : Courtoisie Trio Orange / Crave
Paternité et vasectomie
Bellefleur, c’est une sorte de La vie, la vie à la sauce 2024, où de jeunes couples bien de leur temps affrontent… les simples aléas de l’existence. Où des hommes dans la trentaine avancée, dont les copines ne sont jamais bien loin, affirment ouvertement vouloir des enfants et font de cette quête le centre de leur vie. Des hommes qui réconfortent leurs amis à coups de « tu peux m’appeler n’importe quand ». Qui ne sont pas frustrés de ne faire l’amour qu’oralement – en paroles – avec leur blonde malade.
Nicolas Bellefleur (Guillaume Laurin), un humoriste vedette, est désemparé quand sa copine Ariane (Charlotte Aubin) le quitte. De la perdre, elle, mais également d’échapper ainsi le contact avec le fils de cette dernière, le petit Émile, qu’il aurait souhaité adopter. Un long « flashback » nous ramenant trois ans derrière, au deuxième épisode, explique comment le garçonnet est entré tôt dans la vie de son beau-papa, lequel le considère vraiment comme son enfant, même s’il n’a aucun droit légal sur lui. Toutefois, en rompant avec Nicolas, Ariane lui interdit désormais de s’impliquer auprès du bambin. Nicolas tentera de la faire changer d’avis, et il ira également voir ailleurs s’il ne pourrait pas combler son envie de paternité avec une autre femme.
Le frère de Nicolas, Maxime (Maxime De Cotret) attend avec Claudie (Sarah-Jeanne Labrosse) un bébé chez qui on a décelé une trisomie 21; elle assume déjà la différence de son chérubin à naître, tandis que lui verse plutôt dans le déni. Un flirt avec un homme et un questionnement sur sa fluidité de genre compliqueront encore la situation de Maxime.
Marc-André Grondin dans une scène de Bellefleur. Crédit : Courtoisie Trio Orange / Crave
Yann (Marc-André Grondin) et Raphaëlle (Sarah-Maude Beauchesne), à l’inverse, sont convaincus de ne pas vouloir procréer. Monsieur s’évanouira lors de sa vasectomie… Parenthèse : non, Sarah-Jeanne Labrosse et Marc-André Grondin, un couple dans la vie, ne jouent pas les tourtereaux dans Bellefleur.
Puis, il y a Minh (Jean Bui), qui compose avec le cancer très avancé de sa conjointe avocate, Marie (Marilyn Castonguay), mère de ses deux préadolescentes. Marie fait promettre à Minh de « faire l’amour souvent et de jouir beaucoup » lorsqu’elle sera partie.
Réaliste?
Vous l’aurez compris, il n’y a pas d’enquêtes ni de véhicules de police, dans Bellefleur. Pas nécessairement de punch croustillant qui nous tiendra en haleine. On se dit même que cette histoire reposant sur les liens humains, davantage que sur l’action comme telle, aurait pu déboucher en une série annuelle hebdomadaire (Noovo, la chaîne traditionnelle sœur de Crave, n’en offre pas encore, même si ce n’est pas exclu dans le futur). Pour l’instant, une seule saison de Bellefleur figure dans les plans, mais la finale sera ouverte sur une potentielle suite.
Sarah-Jeanne Labrosse, Sarah-Maude Beauchesne et Jean Bui dans une scène de Bellefleur. Crédit : Courtoisie Trio Orange / Crave
La bande de potes de Bellefleur est tissée serré, respire la solidarité et le non-jugement, se taquine avec respect, offrant une vision presque romantique de l’amitié masculine. Certes, quelques phrases sonnent un peu plaquées – par exemple, lorsqu’il est question de contraception –, mais le discours fait écho à celui de la génération des 18-49 ans, auditoire cible de Crave. Après tout, les téléspectateurs d’Occupation double ont bien craqué pour les looks androgynes de Jay Du Temple, a signalé Sophie Parizeau, directrice générale, fiction, de Bell Média.
Bellefleur suscitera peut-être la discussion. La question circulait beaucoup, entre les journalistes, mardi matin, à savoir si de tels hommes, aussi sensibles et attentifs que ceux de Bellefleur, existent réellement. Interrogation à laquelle l’équipe de production a vivement opiné : oui, ces mâles au « cœur de slush » existent, et s’ils ne s’avèrent pas, exposons le modèle, dans le but d’en inspirer quelques-uns, qui sait!
De quoi damer – avec amour – le pion des brutes masculinistes qui polluent les réseaux sociaux de propos misogynes par les temps qui courent…
Guillaume Laurin et Marc-André Grondin dans une scène de Bellefleur. Crédit : Courtoisie Trio Orange / Crave
Les deux premiers épisodes de Bellefleur seront disponibles sur Crave ce jeudi, 16 mai. Deux épisodes seront ensuite déposés sur la plateforme chaque jeudi.
D’autres séries, dont nous vous parlons ici et ici, ont par ailleurs récemment été ajoutées sur ICI TOU.TV EXTRA.
Crédit photo principale : Courtoisie Trio Orange / Crave