Résumons-le très simplement : Splendeur & Influence, la nouvelle comédie de Marc Brunet, est aussi fine et subtile qu’une grossière « plogue » d’un commanditaire lucratif dans une vidéo YouTube d’un influenceur en vogue.

Du moins, une « plogue » telle qu’on se l’imagine lorsqu’on observe de loin la tendance des influenceurs, sans trop la comprendre, en se fiant seulement aux idées préconçues qui la ridiculisent. L’entrée en matière que vous venez de lire illustre la perception populaire devant la « profession » d’influenceur; et c’est exactement ce que reflète Splendeur & Influence avec ses exagérations à la seconde. On joue sur les préjugés, et on joue gros.

Le génial Marc Brunet, papa du Cœur a ses raisons, de Like-moi! et des Bobos, n’a pas son égal pour triturer les clichés, les magnifier et les ironiser à la perfection, avec des personnages démesurés, capables de marquer l’imaginaire collectif en une apparition. Qu’on pense seulement au Cœur a ses raisons, qui pastichait les soaps américains à la Top Modèles et autres Feux de l’amour : Brunet avait identifié avec acuité toutes les énormités de ce type d’émission pour les utiliser dans un délire juste assez dosé.

Philippe-Audrey Larrue-Saint-Jacques dans une scène de Splendeur & Influence.  Crédit : Courtoisie Radio-Canada/Zone 3

Philippe-Audrey Larrue-Saint-Jacques dans une scène de Splendeur & Influence. Crédit : Courtoisie Radio-Canada/Zone 3

L’homme nous a habitués à des parodies grinçantes et, pour la plupart, très réussies. Jusqu’ici, outre un peu de redondance sur les fins de parcours, l’ensemble de l’œuvre s’avérait à peu près irréprochable. Splendeur & Influence constitue peut-être le plus clownesque, le moins raffiné de ses projets. La matière en soi (les téléréalités, les influenceurs, le « vide » qu’ils véhiculent) étant déjà risible dans l’esprit de bien des gens, en rajouter à coups de massue relève de l’acharnement. D’autant plus que Like-moi! avait déjà pataugé dans les mêmes eaux.

Pas besoin de deuxième degré dans Splendeur & Influence, le premier occupe toute la largeur du champ de vision. En voulant se moquer trop fort et sans nuances, presque violemment, d’un phénomène qui semble l’agacer joyeusement, l’auteur en vient à caricaturer lui-même son propre style. Et ce sont les influenceurs et créateurs de contenu qui risquent de se payer sa tête. Oserons-nous ressortir la bonne vieille formule déjà éculée (au moins autant qu’une blague de code promotionnel bassement partagé) « OK Boomer »….?

« Pétilleuse Nocturne »

La série de neuf épisodes s’articule autour d’une fausse téléréalité (Splendeur & Influence, oui, oui) animée par les très « glam » et « stylés » Brigitte Bussières (Anne Dorval) et Zac (Philippe-Audrey Larrue-Saint-Jacques), devant lesquels défileront en audition une galerie de protagonistes plus « authentiques » (« Je suis fière d’être une personne ») et spectaculairement manucurés les uns que les autres (incarnés par Pascale De Blois, Yannick De Martino, Naïla Louidort et Mathieu Dufour, tous excellents, au demeurant).

Splendeur & Influence s’amuse avec les codes typiques de cette mode télévisuelle, de la boisson partenaire (« Pétilleuse Nocturne, la margarine des champagnes ») aux fautes de français de candidates en bikini (« comme qu’on pourrait dire… »), en passant par la bonne moralité woke beurrée généreusement. Aucun élément n’a été oublié.

Une fois le ton installé, le deuxième épisode s’affirme moins sévère que le premier. Cela dit, rendons à César ce qui revient à César (et César est encore en grande forme) : l’intelligence et l’œil alerte de Marc Brunet sont encore très bien huilés. Certaines images – pensons aux très peu émoustillantes portes tournantes de la maison de Radio-Canada… –  ravivent le meilleur du muscle absurde du créateur.

Anne Dorval et Philippe-Audrey Larrue-Saint-Jacques dans une scène de Splendeur & Influence. Crédit : Courtoisie Radio-Canada/Zone 3

Anne Dorval et Philippe-Audrey Larrue-Saint-Jacques dans une scène de Splendeur & Influence. Crédit : Courtoisie Radio-Canada/Zone 3

#Gratitude

En discussion avec une tablée de journalistes après le visionnement de presse de son nouveau joujou, mardi matin, Brunet a tempéré l’impression de regard en hauteur qui se dégage des deux premières demi-heures. Splendeur & Influence se révèle davantage une critique de la quête de gloire à tout prix, argue-il, qu’une charge à fond de train contre les vedettes du web.

« On parle d’un groupe très particulier, qui sont à la recherche de la célébrité instantanée. Dans la réalité, c’est très légitime comme forme de communication; il y a des influenceurs qui créent du contenu légitime, qui ont vraiment des connaissances approfondies en mode ou en cuisine, par exemple, et il y a du travail derrière ça.  Il n’y a pas de jugement at large là-dessus. Nous, on se moque de la partie plus superficielle et tape-à-l’œil, profiteuse de leur environnement. Je fais la part des choses entre les deux », dépeint Marc Brunet, admettant néanmoins qu’il n’est pas fan de téléréalité, dont il ne consomme que des extraits sporadiques.

Il a été précisé en rencontre de presse que l’aventure Splendeur & Influence a d’abord été initiée en 2019, et que l’écriture avait pris plus de temps que prévu. Peut-être que, cinq ans plus tôt, le propos aurait tombé davantage à point. En 2024, alors que les influenceurs peinent à déjouer les algorithmes pour promouvoir leur contenu, les présenter comme une nuisance au quotient intellectuel collectif, c’est fort de fond de teint.

Prenons Splendeur & Influence comme un objet drolatique indépendant de tout mouvement existant, avec un énorme grain de sel, et peut-être aurons-nous finalement envie de hurler « #gratitude » dans un décor de champ de lavande dans une image filtrée sur Instagram.

Les deux premiers épisodes de Splendeur & Influence sont disponibles sur ICI TOU.TV EXTRA ce jeudi, 2 mai. Les sept suivants s’ajouteront à raison d’un par semaine, chaque jeudi. La série doit aussi être présentée à ICI TÉLÉ en cours d’année.

Lisez ici notre critique du récent spectacle d’une humoriste qui a souvent travaillé avec Marc Brunet, notamment dans Like-moi!

Crédit photo principale : Courtoisie Radio-Canada / Zone 3

 

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