« Hey, boule de gomme, s’rais-tu dev’nu un homme? », serait-on tentés de demander à Martin Perizzolo, paraphrasant un monstre sacré récemment envolé. Trois décennies ont filé depuis sa graduation de l’École nationale de l’humour (en 1995), et le gaillard aux allures de premier de classe a connu autant la désillusion de celui qui s’est trompé, puis relevé, que la sérénité installée du quadragénaire avancé (48 ans), désormais suffisamment en paix pour mieux identifier ses propres repères.
« Je dis en riant que je suis un peu brisé », rigole candidement « Perizz » en entrevue téléphonique à Sous les projecteurs, entre deux représentations de rodage de son troisième spectacle au Lionceau Comédie-Club, nouvelle cavité privée du Lion d’Or, à Montréal.
« Je sens que j’ai mes 10 000 heures de vol, comme le veut l’expression qui signifie qu’on doit toujours répéter afin d’atteindre un autre niveau, ajoute-t-il, plus sérieusement. Et je sens justement que j’ai atteint un autre niveau, que j’ai trouvé un équilibre dans mon humour… »
« Essayer » vs « Faire »
Martin Perizzolo sait s’analyser. Il reconnaît modestement avoir échoué à exposer ses véritables couleurs d’humoriste dans ses deux premiers one man show, Nous (2017) et Vieux garçon (2019), ce dernier effort ayant été zigouillé par la pandémie.
Entre ses quelques expérimentations de concepts dans le cadre de Zoofest et autres soirées open mic, et ses personnages grand public comme le Jean-François constamment laissé sur le banc du court de tennis des Beaux malaises, le Poudy du Chabot du L’gros Show ou le Benoît des publicités des Fromages d’ici, l’artiste concède d’emblée, sans qu’on ait besoin de lui poser la question, que le public a peut-être eu du mal à cerner sa personnalité, celle de Martin Perizzolo, derrière son micro de stand up.
La troisième proposition à son nom, mise en marché par la boîte Concertium (Michel Barrette, Jean-Thomas Jobin, Rita Baga) devrait être plus claire plus claire et plus révélatrice. Plus « authentique », crânerait peut-être un personnage de Splendeur & Influence?
« Dans Nous, j’essayais de dire des choses. Dans Vieux garçon, j’étais en réaction et j’essayais d’être drôle et de me dévoiler. Aujourd’hui, je n’essaie plus ; je le fais! Et les choses prennent place beaucoup plus facilement. Il y a une espèce de naturel qui coule mieux… »
« On m’a connu comme acteur dans des projets qui ont été gros et importants. Et j’ai l’impression qu’en essayant de rallier qui je suis comme humoriste avec la référence que les gens avaient, comme comédien des Beaux malaises, par exemple, j’ai trop fait de compromis, et je n’ai pas démontré exactement qui j’étais comme humoriste. C’est l’un de mes objectifs à travers le nouveau spectacle : installer qui je suis comme humoriste. »
Son humilité l’honore, lui signale-t-on, dans une industrie qui n’a pourtant pas l’autocritique très facile. « Ça fait longtemps que j’ai compris que je ne serai jamais à la mode », ironise Martin Perizzolo, qui assume l’appellation de « bibitte » qu’on pourrait lui accoler, peut-être justement parce qu’il donne l’impression d’être à cheval entre deux mondes.
Son nouveau propos, celui du « Perizz 3.0 », sera celui d’un adulte qui prend aujourd’hui soin de ses parents âgés nécessitant plus d’attention. D’une « personne-ressource » d’un petit chien, la sociable et enjouée Poupoule, petite boule d’amour, à l’occasion vedette de son compte Instagram, « la plus belle personne que j’ai rencontrée de ma vie », soutient-il. On y entendra les réflexions d’un éternel inquiet, « parano » assumé, qui se pose mille et une questions, notamment au sujet de l’environnement et de nos habitudes devant le climat vieillissant. En format « une ligne, un punch » lorsque nécessaire, dans la fidélité des valeurs propres à Perizzolo.
« Je ne réinvente pas la roue, constate-t-il. Les geeks d’humour vont trouver leur compte et reconnaître ce que, moi, j’aime, à travers ce que je fais. Les gens qui ont écouté Les beaux malaises vont peut-être s’y plaire aussi, mais s’ils s’attendent à voir un gars qui ne joue pas au tennis, un peu niais, ils vont être déçus (rires). »
« Mais, si tu es raciste ou homophobe, tu n’es pas mon public, c’est certain. Si tu es campé dans tes positions, ne perds pas ton temps, ne me fais pas perdre le mien et trouve une autre activité », complète notre interlocuteur d’un ton tranchant.
Nouvelle vague inspirante
C’est justement pour ne pas avoir à composer avec les extrémistes de l’opinion que Martin Perizzolo s’apprête à lancer son infolettre, par le biais de laquelle il communiquera avec ses admirateurs directement dans leur boîte courriel. Il y jasera de tout, de rien, de ses projets, de son jardinage, de ses coups de cœur en humour et en musique. Une façon pour lui de faire entendre sa voix sans la distorsion bruyante qui gangrène les réseaux sociaux.
« Ça ne sera pas trop long, pas trop souvent non plus. Je ne veux pas taper sur les nerfs du monde… »
Surtout affairé à implanter son nouveau spectacle, Martin Perizzolo s’est néanmoins dernièrement affairé, aussi, à l’écriture d’épisodes à venir d’Un gars, une fille, qui doivent entrer en tournage prochainement. Il collabore aussi au gala ComediHa! de Martin Petit, lequel sera présenté à Québec le 10 août. Admiratif de la relève en humour, il ne boude jamais son plaisir à se rendre ici et là expérimenter du matériel dans des soirées au Bordel ou autres comedy club.
« Je trouve la nouvelle vague d’humoristes inspirante. Le milieu de l’humour est en santé, malgré les mauvaises nouvelles concernant Juste pour rire. Il y a une belle représentativité, une belle sensibilité. »
Martin Perizzolo offre encore des représentations de rodage de son nouveau one man show « à un prix anti-inflation », dit-il, au Lionceau, les mercredi 15 et jeudi 16 mai. Il s’arrêtera également à Longueuil le 13 juillet et à Gatineau le 4 septembre. La première médiatique et le lancement officiel de sa tournée devraient avoir lieu en 2025. Toutes les dates sont ici.
Crédit photo principale : page Facebook Martin Perizzolo / Yass BDX