Un one woman show pour Louise Latraverse? Étonnons-nous qu’on ne lui ait pas proposé le projet plus tôt, tant la dame a de la verve, de la couleur et des histoires à raconter. Attachante Louise Latraverse, qui lançait plus tôt cette semaine, à la Cinquième Salle de la Place des Arts, son spectacle L’amour crisse, dans lequel elle jase d’elle-même, de son parcours, des grands qui ont croisé sa route. Pas d’ « une ligne, un punch », seulement le récit d’une existence divertissante par une enfant de la scène, née pour, visiblement, y durer toujours.
Il y avait, ici et là, quelques chandails estampés L’amour crisse dans les gradins, comme quoi Louise Latraverse a laissé son empreinte, même chez les plus jeunes.
Les textes de L’amour crisse, inspirés, ont été coécrits par Louise Latraverse elle-même et son amie Anick Lemay (dont la plume sensible s’est fait valoir il y a quelques années dans Urbania, et qui travaille justement à transposer ses chroniques en une série télévisée que produira Julie Snyder et qui devrait aboutir à Radio-Canada éventuellement).
Ceux-ci constituent, avec le charisme de la comédienne et les grandes toiles peintes de sa main qui veillent, souveraines, derrière elle en guise de décor, le cœur de cette belle prestation qui nous fait surtout vivre les rencontres marquantes de notre grande gamine assumée. Avec, au tournant d’une phrase, une blague inattendue, une petite vulgarité bien envoyée, toujours craquante dans sa bouche.
Le plaisir de sacrer
Près de son lutrin, mais jamais statique, l’attachante artiste raconte des pans importants de sa vie, qui rejoignent la ligne du temps du show-business québécois. On ne naît pas sœur de Guy Latraverse, ni ne fréquente Claude Léveillée, ni ne fricote avec Clémence Desrochers et autres pointures de la planète célébrités sans que ça ne laisse de saprés souvenirs à étaler. Et Louise Latraverse nous ouvre tout grand son album!
On passe ainsi un fascinant moment aux pieds de Louise Latraverse, cette grande contemplative, non pas à la retraite, mais à la pige, qui semble avoir tout vu, tout le monde et son frère, de son Arvida natal à aujourd’hui.
Woodstock, sa rivalité avec Janis Joplin, son flirt avec Maurice Chevalier, ses « petites mottes » lancées à Jean Coutu et la complicité avec sa fille Angèle, son Café des artistes et les amitiés qui en sont nées (Elisabeth Chouvalidzé, Marcel Dubé, Denise Bombardier…), son grand amour avec un Claude Léveillée « séduisant, mais sans conversation » (« Je lui ai laissé son host*e de cheval blanc et je suis partie à pied! »), ses rêveries sur Roy Dupuis…
L’amour crisse, c’est aussi Les Girls, L’Osstidcho, le Quat’Sous, un voyage de dessins en Inde… et c’est encore Bibi Andersson, Bob Dylan, Pierre Bourgault, Paul Buissonneau, René Lévesque, Félix Leclerc, Pauline Julien et même Clint Eastwood. Et on en passe, et des meilleurs.
Louise Latraverse survole une vie entière dans un témoignage qui, miracle, ne traîne pas en longueur. Et on n’a même pas encore parlé de son grand amour, Emmett Grogan, une flamme consumée entre Montréal et New York, honorée d’un fils, et terminée abruptement par le décès tragique et brutal de son amoureux, relaté sans larmoiement.
On lui rappelle sans cesse son âge, tique-t-elle, possiblement lasse qu’on s’émeuve encore du dynamisme de ses 83 ans alors qu’elle caresse tant de passions. La fin de son monologue, déclamée à coups de « comme si… », est touchante et nous laisse sur une note de sagesse.
On ne reprochera pas à Louise Latraverse de garder son texte sous ses yeux et de s’y référer constamment, de perdre une seconde le fil de son propos ou d’oublier une portion de mots; elle serait bien capable de nous rabrouer d’un de ses jurons qu’elle aime tant, de son ton chantant de petite fille. « À 60 ans, c’est bien; à 70 ans, c’est très bien; mais à 80, tu prends ton texte », avise-t-elle rapidement, taquine.
Car des sacres, comme celui lancé à En direct de l’univers le 31 décembre 2020, lorsque France Beaudoin lui avait demandé de mentionner « de quoi la COVID-19 ne viendra pas à boutte », et qui donne son titre à cette tournée déjà assurée de plusieurs dates, Louise Latraverse en échappe souvent, avec force et vigueur, parce qu’elle aime ça, sacrer, et elle le martèle haut et fort.
Il n’y a pas un « Putain! » français ou un « Fuck you! » américain qui arrive à la cheville d’un bon « Câlisse », c’est elle qui vous le dit.
Pour connaître toutes les dates de la tournée L’amour crisse de Louise Latraverse, consultez le site web de la production. Madame Latraverse a également lancé récemment sa biographie entrecoupée de photos, dessins et réflexions, en vente sur place lors de ses spectacles, tout comme les chandails L’amour crisse.
Crédit photo principale : Jean-Charles Labarre / Courtoisie Productions Martin Leclerc