Andréanne A. Malette avait tiré son excellent album Sitka, paru en 2021, d’un périple en Alaska émotionnellement chargé. Depuis, elle est allée gagner Sortez-moi d’ici! dans la jungle du Costa Rica, une expérience qui a fini de jeter un peu de soleil sur ses bobos cicatrisés.
Le sac à dos pesant de sa fin vingtaine qu’elle vidait dans Sitka, elle l’a rempli « de liberté, de bien-être et de lumière », confie-t-elle. Et son cœur et sa caboche n’en communiquent désormais que plus fluidement. C’est ce qu’Andréanne A. Malette raconte dans Les jardins dérangés, son quatrième opus, dont elle semble fière jusqu’à la moelle. Oui, le titre trouve sa source dans les paroles de Francis Cabrel du Reste du temps, qu’elle reprend avec brio.
Ce bébé est encore plus folk que ses précédents, précise-t-elle à Sous les projecteurs. Ses textes, observons-nous, respirent la sérénité, sans manquer de profondeur, et constituent une suite logique à l’œuvre « A. Mallette ». L’horizon, Les frontières, Au pied du grand chêne, Ici et maintenant : pimpants ou introspectifs, ses morceaux évoquent l’instant présent qu’on fuit souvent, la simple envie de vivre, l’amour sain ou la reconstruction.
« Je me suis même demandé si l’album était trop thématique, avoue Andréanne. Les champs lexicaux s’entrecoupent. Ça parle beaucoup de fleurs, de jardin, de lumière. J’ai décidé de faire la paix avec ça. Le titre Les jardins dérangés révèle un questionnement que j’avais : si tout va bien, si mon cœur est rempli, est-ce que je vais encore écrire des chansons, ou s’il me faut du malheur pour créer? (rires) Mais le bonheur fait des bonnes tounes pareil. C’est un album plus conceptuel que les autres, mais tout se tient. »
Rayon sonorités, l’auteure-compositrice-interprète de 35 ans pavoise d’avoir pu compter sur l’habile doigté du plus que renommé Antoine Gratton aux arrangements de cordes (lesquels lui rappellent Joni Mitchell – elle s’en délecte), et d’y avoir intégré cuivres et « vraie » flûte traversière.
« Ça coûte de plus en plus cher, et on en vend de moins en moins, mais pour moi, ça restera toujours important de travailler avec des humains. Il y a de super beaux sons de flûte à l’ordinateur, mais d’entendre le souffle de quelqu’un, c’est ce qui me fait le plus triper de l’album. »
Déjà sur scène
Andréanne avait invité son public au Théâtre Outremont, jeudi, pour le lancement officiel de ses Jardins dérangés, spectacle qui donnait aussi le coup d’envoi à sa nouvelle tournée.
Sur scène, dans son décor de joyeux bric-à-brac de cadres et de chaises de bois, Andréanne nous a paru plus mature que jamais. Plus épanouie. Plus rigolote et taquine, aussi. L’oisillon est sorti de sa coquille depuis ses premiers piaillements à grande échelle à Star Académie (2012), et pas qu’un peu. On ne la qualifiera peut-être jamais de flamboyante, mais l’artiste a indéniablement gagné en aplomb, en assurance et en confiance. Il nous semble ne l’avoir jamais autant entendu parler en prestation…
« Le Costa Rica a fait ça! À Sortez-moi d’ici, on était à la télé sans maquillage. Il n’y avait aucune censure. On était puants! Ç’a contribué à enlever toute barrière, toute crainte de ce que les gens pourraient penser. Je me présente sur scène avec un genre de lâcher-prise. Les jardins dérangés, c’est d’assumer l’imperfection! »
Ainsi, tout un concept de récit autour de l’achat de sa première maison à la campagne en solo (Andréanne explique qu’elle n’attend plus l’homme de ses rêves pour les réaliser, ses rêves!) serpente ce concert qui met en valeur le répertoire tout frais des Jardins dérangés, agrémenté de quelques succès de palmarès moins récents. Ici et ailleurs et Fou, aux premières minutes, jeudi, ont généré une levée de cellulaires en mode « vidéo » à ses pieds, tandis que la très belle Cœur léger (Sitka) s’est mérité une chaude salve d’applaudissements. Notre femme libérée s’assoit même à la batterie le temps de réinventer à sa sauce Flowers, de Miley Cyrus, parce que bien sûr qu’elle sait s’acheter des fleurs elle-même…
Les bienfaits de son acquisition immobilière s’entendent sur Les jardins dérangés. La douce pièce Une maison exprime d’ailleurs bien comment l’arrangement de son propre foyer lui a apporté la paix.
Le fait d’avoir son nid bien à elle, sans voisins de l’autre côté d’une cloison, et de pouvoir recommencer à piocher ses instruments sans crainte de déranger a également revalorisé la musicienne qu’est Andréanne. Avec son piano qui trône maintenant fièrement au salon, elle n’a plus d’excuse pour ne pas s’y exercer. En ce sens, l’instrumentale mélodie de Brume, au dernier tournant des Jardins dérangés, s’avère symbolique.
« En appart’, tu ne peux pas faire trop de bruit (rires). Je ne chantais pas vraiment. Quelque chose s’est replacé à l’intérieur de moi. J’ai aussi retrouvé le piano; j’en avais joué de l’âge de 6 à 16 ans, mais j’avais complètement lâché et j’avais perdu toutes mes compétences. Là, je joue du piano et du drum jusqu’à trois heures du matin, quand je veux! »
Autodidacte et outillée
On a souvent souligné la démarche autodidacte d’Andréanne A. Mallette, qui a opté pour la voie de l’autoproduction de ses activités après avoir quitté, en 2015, les Productions J qui l’avaient repêchée après son fructueux passage à Star Académie. Elle revenait ainsi à sa véritable nature de gestionnaire, elle qui avait autoproduit son tout premier disque (en 200 copies!) à 16 ans, en 2004. Elle façonnait alors ses billets de spectacles – qu’elle vendait évidemment elle-même – sur Microsoft Paint…
La jeune entrepreneure a érigé sa compagnie, Productions Nia, à force d’essais et d’erreurs, s’aiguisant notamment les dents grâce à la tournée Feu de camp, qui l’a amenée dans les cours et parcs du Québec, de l’Ontario et des Maritimes, pendant plusieurs étés. Un processus qui en a influencé plusieurs autres par la suite, remarque-t-elle.
« Je n’oserais pas le dire moi-même, mais je me le fais dire tellement souvent, que je pense que c’est un fait. Le nombre de cafés que je prends, par mois, avec des artistes qui veulent des conseils, ou les gens qui m’appellent, le démontrent. Je donne des formations sur l’autoproduction. Il y avait déjà des artistes qui le faisaient, mais j’ai été la première à le mettre de l’avant. »
L’album Les jardins dérangés, d’Andréanne A. Malette, est maintenant disponible sur les plateformes numériques et en format physique en magasin. Ses dates de spectacle sont répertoriées sur son site web. Une série télévisée de quatre épisodes de sa tournée Feu de camp sera diffusée le dimanche, à 21 h, à TVA, dès le 9 juin.
Crédit photo principale : Catherine Deslauriers / Courtoisie production