David Goudreault panse tous les maux avec ses mots. Avec son deuxième spectacle, En marge du texte, l’auteur marie littérature et poésie, humour et tranches de vie, pianote, distille des passages de ses écrivains favoris et enchante, bien sûr, avec l’habile slam ayant causé sa renommée. Ses récits captivent, filent à vitesse grand V et génèrent images et courts métrages dans nos esprits. Écoutez, pour voir.

« Mesdames, mes prunelles et mes yeux… (…) Êtes-vous en forme? Êtes-vous en feu? Êtes-vous enceinte? », salue notre hôte, annonçant ainsi les jeux de langue, ce joli french kiss auquel il s’adonnera dans sa soirée. Cette langue qui massacre souvent son nom de famille, génère des surnoms de garderie dans le crime organisé et étincelle jusque dans sa ponctuation : il n’y avait que David Goudreault pour y penser!

C’est dans une salle digne de sa verve, le Théâtre Maisonneuve (qui accueillait la veille Ludovick Bourgeois et son hommage aux BB), pas nécessairement reconnu comme un haut lieu d’échanges littéraires, que s’est installé David Goudreault pour le baptême officiel de sa jolie création En marge du texte, dans la foulée du festival Montréal en lumière, mercredi et jeudi.

Un pari audacieux

C’est un audacieux pari qu’a tenté l’artiste en construisant un tel « one man show » (peut-on se risquer à l’appeler ainsi?) de format populaire, très grand public, autour de l’art des mots. En marge du texte s’adresse bel et bien à tous, aux ados comme aux aînés. De ses anecdotes de jeunesse, comprenant un bête accident, un plâtre et une peau moite, et des romans de la collection Frissons dont il se moque aujourd’hui allègrement, jusqu’à son émouvant message à sa grand-maman Gigi, déjà entendu à la télévision, chacun tirera son petit bonheur des contenus de ce lointain cousin spirituel de Fred Pellerin.

Ne vous laissez pas effrayer par le propos cruel de la première partie, portée par Geneviève Rioux, conjointe de David Goudreault. Évoquant dans ses vers féminicide et solitude, la poétesse laisse deviner avant de le dévoiler qu’elle a jadis été agressée. Laissée pour morte, en fait, après une attaque au couteau lors d’un assaut en 2018. À donner le frisson. La poésie comme outil de justice, on cautionne sans réserve. Respect.

Quand le sourire bon enfant du jubilaire s’amène au-devant, non loin de son piano qu’il a appris à utiliser pour cette seule mission d’En marge du texte, il déclame son engouement pour toutes ces vies qu’il aime rephraser, ces personnages qu’il aurait aimé être (même la Princesse Leia), son village natal de Pointe-du-Lac. Il décrie ces termes devenus munitions des guerriers des réseaux sociaux. « « Je voudrais pas avoir l’air de porter un jugement hâtif, mais quelle époque de marde! », soulève-t-il sans condescendance.

Il taquine Agota Kristof et son dur portrait de l’enfance du Grand cahier, ramène plus tard Réjean Ducharme (« notre génial ermite (…) il avait compris qu’il faut se méfier du grand monde et s’en construire un à soi »), et son Avalée des avalés. Entre et après eux, il plébiscite Zachary Richard, Hemingway, Camus, Voltaire, Gauvreau, au travers desquels il sera question de cunnilingus, d’arythmie cardiaque et de censure.

Et la journaliste de pester gentiment intérieurement : il sera impossible de retranscrire pareil débit, telle éloquence, aussi ingénieux détours verbaux! Tant mieux, il vous faudra aller l’entendre pour comprendre.

Sa capacité à inventer des slams sur-le-champ à partir d’expressions suggérées par le public stupéfait indubitablement.

Qu’on se le dise, toutefois : pour ce qui est de la portion littéraire, en survolant les titres et les plumes à coups d’échantillons, en entrecoupant ses lectures de blagues et de souvenirs personnels, d’interactions avec le parterre (à l’aise comme un animateur de foule, mutin avec les spectateurs qui ont l’obligeance de tousser au bon moment), Goudreault s’aventure rarement en profondeur dans les œuvres citées. Il ne creuse pas du tout, en fait. On bondit du coq à l’âne, on risque même d’en perdre des bouts. Mais les graines sont semées. Plusieurs auront ensuite la curiosité de taper des noms pour ensuite fouiller. C’est déjà énorme.

« Tout passe… »

On ne peut que remercier des tribunes comme Bonsoir bonsoir! à ICI Télé, le quotidien La Presse ou ICI Première, qui ont toutes tendu caméra, clavier ou micro à David Goudreault dans les dernières années, pour lui permettre de démocratiser son amour du verbe et propager son éclatant talent et sa passion. Pour lui donner la possibilité de nous donner envie de lire, d’écrire et d’écouter. Même au Gala Artis 2021, à TVA, Goudreault avait brillé en récitant un hommage senti aux animateurs de bulletins de nouvelles, pour applaudir les finalistes de cette catégorie, lesquels avaient jonglé dans des conditions de travail extrêmes, voire impossibles, pendant la pandémie.

Heureusement, l’attention médiatique n’aura pas eu raison de l’authenticité du personnage, qui s’est même retiré un an de la lumière médiatique pour plancher sur En marge du texte. D’avoir été pastiché par Yannick de Martino au Bye Bye 2021 ne lui aura pas enflé la modestie. « Tout passe, et on peut se passer de bien des choses », philosophe-t-il avant de nous dire au revoir.

Simplement entouré de ses piles de livres sur scène, David Goudreault incarne la preuve que nul besoin d’artifices, de bruyant, de superficiel pour amuser. Du charisme, un peu d’huile de cerveau, et c’est joué. Le monde recèle de pages et de pages à raconter, à analyser, d’imaginaires à célébrer; David Goudreault s’en fait l’un des heureux, et justes, porte-parole.

David Goudreault présente En marge du texte en tournée un peu partout au Québec. Consultez son site web pour toutes les dates. 

Crédit photo principale : Benoit Rousseau / Courtoisie Spectra 

 

 

 

 

 

 

 

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